S. m. (Art militaire) corps de soldats qui était dans les armées de Philippe-Auguste. Ces ribauds étaient des gens déterminés, qui affrontaient hardiment les plus grands périls, quoiqu'ils ne fussent armés qu'à la légère. Ils avaient beaucoup de rapport à nos grenadiers d'aujourd'hui ; mais ils se décrièrent tellement dans la suite par leurs débordements, que pour signifier un débauché qui faisait gloire de ses débauches, on disait que c'était un ribaud : c'était une grosse injure dès le temps de S. Louis. Histoire de la Milice française. (Q)

RIBAUDS, roi des, (Histoire de France) emploi que nos auteurs Dutillet, Fauchet, Carondas, Pasquier et autres, ont expliqué fort diversement : car les uns estiment que c'était une charge honorable ; et les autres au contraire, une charge basse et ignoble. Tout cela a pu être suivant les temps ; du-moins le mot ribaud a été pris successivement en bonne et en mauvaise part. Il a signifié d'abord un brave, un homme fort et robuste ; ensuite ribauds dans les auteurs de la basse latinité, ribaldi, sont des valets d'armée, servientes exercitus qui publicâ linguâ dicuntur ribaldi. Enfin, ce mot a fini par signifier des filoux, des coquins, et surtout des débauchés. C'est dans ce sens qu'il se prend en anglais et en italien. Matthieu Paris appliquait ce nom dès l'année 1251, à des hommes perdus et excommuniés. Mehun dans son Roman de la Rose, dit que de son temps on appelait ribauds les crocheteurs. Ribaudies est pris dans le même ouvrage pour les choses obscènes :

Après garde que tu ne dies

Aucuns mots laids et ribaudies.

Pour ce qui regarde le roi des ribauds, Fauchet dit que c'était un officier qui avait charge de mettre hors de la maison du roi ceux qui n'y devaient ni manger ni coucher ; et que par cette raison il devait faire sa visite tous les soirs dans tous les recoins de l'hôtel. Carondas pense aussi que c'était un sergent commis par le prevôt de l'hôtel pour les visites des choses qui regardaient sa juridiction, et lui en faire son rapport.

Dutillet élève bien davantage le roi des ribauds ; il prétend que c'était le grand prevôt de l'hôtel du roi, qui jugeait des crimes qui se commettaient à la suite de la cour, et particulièrement par les ribauds et ribaudes, c'est-à-dire, les garçons débauchés et les filles abandonnées. L'épithète de roi lui était appliquée, comme supérieur ou juge. Tout ainsi que le grand chambellan était nommé le roi des merciers ; que la bazoche et les arbalétriers avaient leur roi, ledit roi des ribauds, continue Dutillet, avait pour la force et exécution de son office, varlets ou archers qui ne portaient verges, et étaient de la juridiction des maîtres des requêtes de l'hôtel, lesquels anciennement avaient leur siege à la porte dudit hôtel pour ouïr les requêtes et plaintes de ceux de dehors. Enfin, il assistait à l'exécution des criminels condamnés par le prevôt des maréchaux de France, suivant le même Dutillet.

Le roi des ribauds est nommé dans plusieurs arrêts prevôt des ribauds. Il est dit dans de vieux titres, qu'il avait juridiction sur les jeux de dés, de brelands et les bordeaux qui étaient en l'ost et chevauchée du roi ; et il prétendait qu'il lui était dû cinq sols de chaque femme débauchée.

Mais personne n'est entré dans de plus grands détails que Pasquier sur le roi des ribauds. On peut lire ce qu'il en dit dans ses recherches, liv. VIII. ch. xliv. Je n'en donnerai que le précis.

Selon lui, ribaud est un nom qui n'était point odieux sous le règne de Philippe-Auguste, et ce nom était baillé à des soldats d'élite auxquels ce prince avait grande créance en ses exploits militaires. Ces soldats avaient un chef ou capitaine qu'on appelait roi des ribauds. Guillaume Le breton, dans sa Philippide dit, que ce roi étant venu pour donner confort et aide à la ville de Mantes, que le roi Henri d'Angleterre tenait assiégée, soudain après son arrivée, le seigneur de Bar, brave cavalier, avec ceux de sa bannière et les ribauds attaqua chaudement l'escarmouche, et logea l'épouvante au camp des Anglais. Philippe-Auguste, après avoir subjugué le Poitou, voulant assiéger la ville de Tours ; et trouvant la rivière de Loire lui faire obstacle, il choisit le capitaine ribaud pour la gayer. Or, tout ainsi que le hérault qui était près du roi, fut appelé roi d'armes, aussi fut ce capitaine appelé roi des ribauds. Ainsi, continue Pasquier, le recueillai du roman de Rose, quand le dieu d'amour assemblant son ost pour délivrer Belaccueil de la prison où il était détenu, le dessus du chapitre porte :

Comment ! le dieu d'amour retient

Faux-semblant qui des siens devient,

Dont les gens sont joyeux et beaux,

Car il le fait roi des ribauds.

Et d'autant que cette compagnie était vouée à la garde du corps du roi, il fallait que son capitaine tint pié-à-boule à la porte du château.

L'auteur des Recherches rapporte ensuite un extrait de la chambre des comptes, où l'on voit les fonctions du roi des ribauds, et ses gages qui consistaient en six deniers, une provende, un valet à gages, et soixante sols pour robe par an. Et dans un autre endroit : Jean-Crasse Ire roi des ribauds (qui tenait ledit office en 1317) ne mangera point à cour ; mais il aura six deniers de pain, et deux quarts de vin, une pièce de chair et une poule, et une provende d'avoine, et treize deniers de gages, et sera monté par l'écuyer.

Peu-à-peu, continue Pasquier, cette compagnie de ribauds qui avait tenu dedans la France lieu de primauté entre les guerriers, s'abâtardit, tomba en l'opprobre de tout le monde, et en je ne sai quelle engeance de putassiers ; et c'est une chose émerveillable, qu'avec le temps, l'état de ce roi des ribauds alla tellement en raval, que je le vois avoir été pris pour exécuteur de la haute-justice.

On peut lire encore sur le roi des ribauds les éclaircissements donnés par M. Gouye de Longuemure à la suite de sa dissertation sur la chronologie des rois Merovingiens, imprimée en 1748. (D.J.)